Stendhal : Le rouge et le noirMon avis en rouge et noir-auxquatrecoinsdemonbricàbrac 139Cette conversation entre le marquis et labbé peut être du point du vue qui nous occupe considérée comme cruciale : jamais la naissance naturelle de Julien na été aussi près dêtre établie et pourtant la limite na pas été franchie. Laveu du marquis dailleurs comme sa diffusion éventuelle par labbé nont aucun effet : le texte les abandonne pour revenir à la chaulnisation. Quatre jeunes gens graves, qui lentouraient, firent la mine ; ces messieurs naiment pas le genre plaisant. Le comte vit quil était allé trop loin. Heureusement il aperçut lhonnête M. Balland, tartufe dhonnêteté. Le comte se mit à lui parler : on se rapprocha, on comprit que le pauvre Balland allait être immolé. À force de morale et de moralité, quoique horriblement laid, et après des premiers pas dans le monde, difficiles à raconter, M. Balland a épousé une femme fort riche, qui est morte ; ensuite une seconde femme fort riche, que lon ne voit point dans le monde. Il jouit en toute humilité de soixante mille livres de rentes, et a lui-même des flatteurs. Le comte Chalvet lui parla de tout cela et sans pitié. Il y eut bientôt autour deux un cercle de trente personnes. Tout le monde souriait, même les jeunes gens graves, lespoir du siècle. Julien répondit à ces nouvelles remontrances, fort bien, quant aux paroles : il trouvait les mots queût employés un jeune séminariste fervent ; mais le ton dont il les prononçait, mais le feu mal caché qui éclatait dans ses yeux alarmait M Chélan. Point. Lʼaffreux combat que le devoir livrait à la timidité était trop pénible pour quʼil fût en état de rien observer hors lui-même. Neuf heures Jai aimé la vérité Où est-elle? Partout hypocrisie, ou du moins charlatanisme, même chez les plus vertueux, même chez les plus grands ; et ses lèvres prirent lexpression du dégoût Non, lhomme ne peut pas se fier à lhomme. De la conspiration aristocratique. Départ du marquis et de Julien pour physiquement et si éloignés sentimentalement aucun qui jamais ne sétait élevée même jusquà juger son mari, et à savouer quil lennuyait. Elle Nous verrons dans un premier temps comment la focalisation et la description permettent de présenter les personnages puis de les faire vivre, permettant ainsi la naissance dune idylle insoupçonnée. Elle pleurera à chaudes larmes, je la connais ; en vain jai voulu lassassiner, tout sera oublié. Et la personne à qui jai voulu ôter la vie sera la seule qui sincèrement pleurera ma mort. Enfin, elle était allée shabiller, bonne affaire. Dix minutes dirresponsabilité. Toujours bon à prendre. Oui, mais lorsquelle reviendrait, elle poserait la question contre lui, de la manière la plus haineuse, ivre davoir récupéré En observant M. De Croisenois avec lœil sévère du malheur, Julien remarqua lextrême influence que cet aimable et bon jeune homme supposait aux causes occultes. Cétait au point quil sattristait et prenait de lhumeur sil voyait attribuer un événement un peu important à une cause simple et toute naturelle. Il y a là un peu de folie, se dit Julien. Ce caractère a un rapport frappant avec celui de lempereur Alexandre tel que me la décrit le prince Korasoff. Durant la première année de son séjour à Paris, le pauvre Julien sortant du séminaire, ébloui par les grâces pour lui si nouvelles de tous ces aimables jeunes gens, navait pu que les admirer. Leur véritable caractère commençait seulement à se dessiner à ses yeux. La modernité de lauteur se manifeste à des détails, comme lusage, fameux, des etc, plus discret que dans Lucien Leuwen, ou ici, dune abréviation osée : Elle peut tout dire, grand Dieu! à ce c dabbé Maslon, qui prend prétexte de la maladie dun enfant de six ans, pour ne plus bouger de cette maison, et non sans dessein. I, 19. Stendhal ne se prive pas de sadresser au narrataire, avec qui il entretient parfois une connivence de classe, comme lorsquil se livre à des comparaisons géographiques avec lItalie ou lAllemagne. Mais il alterne aussi sans prévenir narration, pensées du personnage et aphorismes dauteur : Les sales paysans au milieu desquels il vivait déclarèrent quil avait des mœurs fort relâchées. Nous craignons de fatiguer le lecteur du récit des mille infortunes de notre héros. Par exemple, les plus vigoureux de ses camarades voulurent prendre lhabitude de le battre ; il fut obligé de sarmer dun compas de fer et dannoncer, mais par signes, quil en ferait usage. Les signes ne peuvent pas figurer, dans un rapport despion, aussi avantageusement que des paroles. I, 27. Je connaissais la citation suivante, mais jignorais quelle fût de Stendhal : Pourquoi veut-on que je sois aujourdhui de la même opinion quil y a six semaines? En ce cas, mon opinion serait mon tyran. II, 4. Un autre aphorisme célèbre La politique, reprend lauteur, est une pierre attachée au cou de la littérature, et qui, en moins de six mois, la submerge. La politique au milieu des intérêts dimagination, cest un coup de pistolet au milieu dun concert. II, 22 met le doigt sur une contradiction de Stendhal, dont le chef-dœuvre est à la fois histoire damour et pamphlet politique! Et pour lathéisme : Ma foi, si je trouve le Dieu des chrétiens, je suis perdu : cest un despote, et, comme tel, il est rempli didées de vengeance ; sa Bible ne parle que de punitions atroces. Je ne lai jamais aimé ; je nai même jamais voulu croire quon laimât sincèrement. II, 42, à moins que ce ne soit plutôt du déisme : Ah! sil y avait une vraie religion Mais un vrai prêtre, un Massillon, un Fénelon Ce bon prêtre nous parlerait de Dieu. Mais quel Dieu? Non celui de la Bible, petit despote cruel et plein de la soif de se venger mais le Dieu de, juste, bon, infini Mais comment, dès quon sera trois ensemble, croire à ce grand nom de DIEU, après labus effroyable quen font nos prêtres? II, 44. Les reproches sévères du vieillard commencèrent dès quils furent sans témoin-Ouvrez-le au hasard, continua Julien, et dites-moi les trois premiers mots dun alinéa. Je réciterai par coeur le livre sacré, règle de notre conduite à tous, jusquà ce que vous marrêtiez. Les mouvements de ses yeux, par exemple, lui donnèrent beaucoup de peine. Ce nest pas sans raison quen ces lieux-là on les porte baissés. Quelle nétait pas ma présomption à Verrières, se disait Julien, je croyais vivre ; je me préparais seulement à la vie, me voici enfin dans le monde, tel que je le trouverai jusquà la fin de mon rôle, entouré de vrais ennemis. Quelle immense difficulté, ajoutait-il, que cette hypocrisie de chaque minute : cest à faire pâlir les travaux dHercule. LHercule des temps modernes, cest Sixte-Quint trompant quinze années de suite, par sa modestie, quarante cardinaux qui lavaient vu vif et hautain pendant toute sa jeunesse. Pendant linsurrection contre lultra Charles X, Stendhal restera enfermé dans son appartement dans le but décrire. Ni les barricades, ni les fusillades de la rue ne le feront déroger à son travail créateur. En approchant de son usine, le père Sorel appela Julien de sa voix de stentor ; personne ne répondit. Il ne vit que ses fils aînés, espèces de géants qui, armés de lourdes haches, équarrissaient les troncs de sapin, quils allaient porter à la scie. Tout occupés à suivre exactement la marque noire tracée sur la pièce de bois, chaque coup de leur hache en séparait des copeaux énormes. Ils nentendirent pas la voix de leur père. Celui-ci se dirigea vers le hangar ; en y entrant, il chercha vainement Julien à la place quil aurait dû occuper, à côté de la scie. Il laperçût à cinq ou six pieds de haut, à cheval sur lune des pièces de la toiture. Au lieu de surveiller attentivement laction de tout le mécanisme, Julien lisait. Rien nétait plus antipathique au vieux Sorel ; il eût peut-être pardonné à Julien sa taille mince, peu propre aux travaux de force, et si différente de celle de ses aînés ; mais cette manie de lecture lui était odieuse, il ne savait pas lire lui-même. Mais on nous parle de ces articles jacobins ; tout cela nous distrait et nous empêche de faire le bien. Quant à moi, je ne pardonnerai jamais au curé. Il se trompait sur cette lettre, madame de Rênal, dirigée par son amie madame Derville, était tout entière à ses remords profonds. Malgré elle, elle pensait souvent à lêtre singulier dont la rencontre avait bouleversé son existence ; mais se fût bien gardée de lui écrire. Julien était las de se mépriser. Par orgueil, il dit franchement sa pensée. Il rougit beaucoup en parlant de sa pauvreté à une personne aussi riche. Il chercha à bien exprimer par son ton fier quil ne demandait rien. Jamais il navait semblé aussi joli à Mathilde : elle lui trouva une expression de sensibilité et de franchise qui souvent lui manquait.