Rencontre Montaigne Tupinambas

Dans Nus, féroces et anthropophages 1557, le voyageur allemand Hans Staden raconte quil sest présenté comme lami des Français pour éviter dêtre dévoré par des Indiens qui lavaient capturé. Croyez-vous vraiment, comme lécrira le capucin Yves dEvreux, en 1613, que les Tupinambas jugeaient lhumeur française plus sortable à la leur quaucune autre? 1 Quérir : aller chercher. 2 Ni même : ni surtout. 3 Ains : mais. 4 Voire : soit. 5 En lui faisant trouver bon : pour le persuader. 6 Frises : étoffes de laine. 7 Maccommodant : essayant. 8 Par deçà : chez les Tupinambas, au Brésil. 9 À défaut diceux : sil na pas denfants. 10 Connais-je : je me rends compte. Le capitaine dresse, à laide de réponses concrètes, le portrait du bon roi : en âge dagir en roi, il a la force nécessaire ; il na pas de privilèges, mais des devoirs et prend des risques marcher le premier à la guerre. Il a la supériorité, mais dans le dévouement rôle protecteur. Lestringant, Frank, LAtelier du cosmographe ou limage du monde à la Renaissance. Paris, Albin Michel, 1991. Les mythologies de la colonisation au Brésil, principalement chez Thevet et Léry, ch. IV, p. 103-145 ; cf. Linvention du Brésil, ch. III, p 79-101. Tous nos efforts ne peuvent seulement arriver à representer le nid du moindre oyselet, sa contexture, sa beauté et lutilité de son usage, non pas la tissure de la chetive araignée. Toutes choses, dict Platon, sont produites par la nature, ou par la fortune, ou par lart ; les plus grandes et plus belles, par lune ou lautre des deux premieres ; les moindres et imparfaictes, par la derniere. Ces nations me semblent donq ainsi barbares, pour avoir receu fort peu de façon de lesprit humain, et estre encore fort voisines de leur naifveté originelle. Les loix naturelles leur commandent encores, fort peu abastardies par les nostres ; mais cest en telle pureté, quil me prend quelque fois desplaisir dequoy la cognoissance nen soit venue plus-tost, du temps quil y avoit des hommes qui en eussent sceu mieux juger que nous. Il me desplait que Licurgus et Platon ne layent eue ; car il me semble que ce que nous voyons par experience en ces nations là, surpasse, non seulement toutes les peintures dequoy la poesie a embelly lage doré, et toutes ses inventions à feindre une heureuse condition dhommes, mais encore la conception et le desir mesme de la philosophie. Ils nont peu imaginer une nayfveté si pure et simple, comme nous la voyons par experience ; ny nont peu croire que nostre societé se peut maintenir avec si peu dartifice et de soudeure humaine. Cest une nation, diroy je à Platon, en laquelle il ny a aucune espece de trafique ; nulle cognoissance de lettres ; nulle science de nombres ; nul nom de magistrat, ny de superiorité politique ; nul usage de service, de richesse ou de pauvreté ; nuls contrats ; nulles successions ; nuls partages ; nulles occupations quoysives ; nul respect de parenté que commun ; nuls vestemens ; nulle agriculture ; nul metal ; nul usage de vin ou de bled. Les paroles mesmes qui signifient le mensonge, la trahison, la dissimulation, lavarice, lenvie, la detraction, le pardon, inouies. Musée des Antiquités, 198 rue Beauvoisine, Rouen-Maison de lUniversité, Mont-Saint-Aignan Par son discours de tolérance, ses références à l Antiquité et son ouverture desprit, Montaigne sinscrit dans la lignée des de son époque. ConconiI, Bruna, Mais la voix divine nous a baillé autres regles. Lhistorien protestant face au devoir dune nouvelle méthode, Cahiers V L. Saulnier n 19 : LHistoire en marge de lhistoire à la Renaissance, Paris, Editions rue dUlm, 2002, p 157-176. A son retour, il rédige un récit de son voyage, mais perd deux fois le manuscrit, qui ne sera finalement publié quen 1578, à Genève, sous le titre Histoire dun Voyage faict en la terre du Brésil. Il répondait à André Thévet, qui affirmait que la France Antarctique avait été perdue à cause des protestants., LExotisme en France à la Renaissance, de Rabelais à Léry, Littérature et exotisme, XVIe-XVIIIe siècle. Conférences réunies par Dominique de Courcelles. Paris, École des Chartes, Études et rencontres de lÉcole des Chartes, 1998, p 5-16. Repris dans Gomez-Géraud, M-C, et Lestringant, F, éd, Dencre de Brésil, 1999. Le récit de l mis à lécrit vers le X e siècle mais reposant sur une longue tradition orale, témoigne dune connaissance déjà importante des Grecs du monde méditerranéen. La représentation que les anthropologues se font de la société primitive et des primitifs a beau être le résultat dune approche théorique générale procédant de la synthèse dune multitude de monographies, elle nen demeure pas moins purement abstraite, et il y a fort peu de chance pour quun jour la réalité rejoigne le concept. Pour paraphraser Joseph de Maistre, lOccidental ou lethnographe peut rencontrer des Kwakiutls, des Yanomamis, des Mnong Gar, des Navajos, des Pygmées, des!Kung, des Inuits, des Papous, etc, jamais il ne croisera des primitifs. Le modèle abstrait élaboré par les anthropologues est pourtant composé à partir déléments disparates empruntés à toutes ces réalités sociales particulières ; il sapparente à ce que Weber appelait un idéal-type, une construction théorique à laune de laquelle chaque société peut être étudiée. Ce petit essai correspond au dernier chapitre du travail intitulé par lauteur A îunçào social da guexra na sociedade tupinamba, et présenté comme thèse de doctorat à la Faculté de philosophie, sciences et lettres de lUniversité de Sâo Paulo. Les débats et les polémiques autour des Amérindiens du Nouveau Monde ne cessent de se multiplier en Europe. À lhorreur suscitée par leur cannibalisme soppose le récit des cruautés qui leur sont infligées par les colons. Pour la France, le Nouveau Monde reste affaire dÉtat. Malgré léchec de Villegagnon, la France antarctique inspire peu de temps après la non moins éphémère France Équinoxiale, autour cette fois de la ville de São Luís, de lactuel Etat du Maranhão. rencontre montaigne tupinambas Après la traduction de Raimond Sebond et la publication des œuvres de son défunt ami La Boétie, Montaigne se trouve vide et il papillonne sans but précis. Il cherche l ordre mais en même temps il ne peut ni ne désire renoncer à son goût de la dispersion, à son vagabondage parmi les livres et les idées. Son père soigne léducation du jeune Michel : son précepteur ne doit sadresser à lui quen latin, si bien quà six ans Montaigne maîtrise cette langue et le parle mieux que le français! Il poursuit ses études à Bordeaux, au collège de Guyenne, puis embrasse une carrière juridique. rencontre montaigne tupinambas De 1935 à 1938, Claude Lévi-Strauss étudie plusieurs peuples dIndiens dAmazonie parmi lesquels les Bororos, les Nambikwara, les Caduveo, et les Tupi-Kawahibs. Lethnologue va sattacher à décrire leurs coutumes, leurs croyances et modes de vies pour sinterroger sur le concept de civilisation et dhistoire. De ces voyages, il tire des règles qui permettent de dévoiler les structures inconscientes qui régissent le fonctionnement des sociétés, : rencontre montaigne tupinambas Lexpression agôn entre Identité et Différence est de R. Guidieri, op. Cit, p 199. Sur la controverse de Valladolid, cf T. Todorov, La conquête de lAmérique. La question de lautre, Seuil, Paris, 1982, p. 157 et suiv. Lévi-Strauss, Claude, Tristes Tropiques. Paris, Plon, Terre humaine, 1955 repris en Terre humainePoche, Pocket, 1995. Montaigne ajoute enfin du subjonctif présent, temps de la réflexion émanant des Indiens : ils trouvaient étrange que tant de hommes grands acceptent et quon ne choisisse plutôt lun dentre eux pour commander ; Après avoir posé lenjeu de ce chapitre Des cannibales, un questionnement sur la relativité des jugements, qui dépendent de la coutume de chacun, donc de préjugés, Montaigne a présenté un portrait fort élogieux de cet autre monde, notamment du mode de vie de ses habitants. Mais, même sil rappelle, Montaigne ne peut pas nier que tout ny est pas parfait, car ces peuples connaissent, eux, la guerre. Il en arrive donc à ce qui a suscité lhorreur des Européens, en écho au titre : le cannibalisme. Le seul fruit quil recevait de la supériorité quil avait est le fait de marcher le premier à la guerre, donc le risque de se faire tuer. Cest donc le courage qui signe le mérite du roi, et non pas le luxe qui lentoure. Il le tient éloigné de quelques pas, de peur den être offensé.